Une mission a été organisée par la Coalition nationale contre l‘exploitation illégale du bois (CNCEIB), grâce au soutien financier de WWF, au port de Kinkole à Kinshasa, du 23 au 24 avril 2020 dans le strict respect et observance des gestes barrières contre COVID19. Elle en a profité pour tenir des réunions de suivi-évaluation sur la lutte contre l’exploitation illégale du bois. Ces rencontres, réunissant les agents des différents services impliqués dans les ports, avaient pour objectif principal de s’assurer que ceux-ci utilisent, à merveille, les connaissances apprises lors des précédentes formations de renforcement des capacités sur le contentieux forestier.

Au cours de ces deux journées de travail, la CNCEIB a échangé avec ces agents en vue d’appréhender les modes opératoires des exploitants illégaux et les flux de cargaisons dans ces ports, considérés comme le point chaud du commerce illégal du bois d’œuvre à Kinshasa. Etant donné qu’il a été révélé, d’après les enquêtes de la CNCEIB, que le bois artisanal et principalement le bois d’origine illégale passe par ces ports en vue de leur exportation. Dans cette perspective, la CNCEIB avait jugé utile de renforcer les capacités des magistrats pour qu’ensemble avec les inspecteurs de l’environnement, que soit créé un cadre dans lequel l’Etat pourra réprimer les opérations frauduleuses de cette filière criminelle. Une fois réalisée, cette action permettrait la réduction sensible le transit du bois illégal en provenance des provinces forestières (Mai-ndombe, Equateur, Tshuapa, Tshopo, Mongala) arrivant sous forme de radeaux par voie fluviale dans les ports de Kinshasa.
A en croire le Président du Comité d’orientation de la CNCEIB, Bienvenu Ngoy l’idéal serait de décourager l’expansion de ce trafic qui, profitant du confinement, « contourne les services de contrôle, achemine du bois illégal à l’exportation ». Et d’ajouter, les magistrats sont prévenus de cas de violations règlementaires sur l’exploitation forestière, il ne leur reste que d’appliquer la loi contre les contrevenants », a-t-il souligné.

Quant à Jean-Marie Bolika, il a reconnu qu’il y a « une volonté dans le chef des agents de l’Etat pour lutter contre l’exploitation illégale du bois, malgré les conditions de travail difficile. Mais il ne faut pas ignorer qu’il y a des pesanteurs car il n’y a pas encore une conjugaison d’efforts entre tous ces services comme prévu», a souligné ce Coordonnateur du programme de la gouvernance forestière chez WWF RDC. Avant d’affirmer que « nous sommes à l’écoute des services, et la CNCEIB pour proposer des recommandations à l’autorité compétente afin qu’il y ait une collaboration entre les services à travers le cadre de concertation proposé par la société civile » a-t-il conclu.

Itinéraires du bois d’œuvre

Le bois d’œuvre est principalement (à plus de 90 %) exploité de façon artisanale et, dans une mesure nettement moindre, dans des concessions forestières. En effet, les travaux de Lawson (2014) calcule que l’exploitation forestière artisanale représente au moins 87 % de toutes les activités d’exploitation forestière, et Lescuyer (2014) estime ce chiffre à 93 % en RDC.
En RDC, on distingue trois modes d’exploitation forestière. Le premier : l’exploitation par concession (des entreprises pratiquent la coupe sélective après avoir obtenu un contrat de concession forestière ; la production de bois d’œuvre respecte les principes de gestion durable inscrits dans le Code forestier). Le second est celui dit d’exploitation artisanale (les activités d’exploitation sont réalisées par des personnes ayant obtenu un permis, conformément au Code forestier). Le dernier enfin est appelé celui de l’exploitation forestière informelle, qui englobe la coupe autorisée, par exemple pour les besoins des communautés locales (en vertu de leurs droits coutumiers), mais aussi, et principalement, la coupe illégale (c’est-à-dire hors du cadre réglementaire).
L’exploitation artisanale en réalité représente théoriquement le deuxième mode d’exploitation forestière réglementée. Ainsi, la majorité des activités dites « artisanales » ne respectent pas les dispositions du Code forestier de 2002 ni la réglementation, et échappent au contrôle des autorités nationales. De ce fait, la distinction entre l’exploitation forestière formelle et informelle est floue, car la vaste majorité des activités d’exploitation forestière (et les émissions qui en résultent) ont lieu en dehors du cadre réglementaire artisanal.
Philippe Nzita (Secrétaire Exécutif de la CNCEIB)